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Le théâtre africain entre introspection, affirmation et diplomatie culturelle

🌍 En Afrique de l’Ouest, les transitions s’enchaînent, les peuples résistent et l’avenir s’écrit à la plume de la souveraineté. Farafinet.info donne la parole aux voix du terrain, celles qui vivent l’Afrique, la pensent, et la bâtissent, loin des plateaux d’illusion.
Public du Forum international du théâtre aux JTC 2025 à Tunis, sur le thème "L’artiste de théâtre, son temps et son œuvre". Forum international du théâtre aux JTC 2025 à Tunis – Crédit photo : © Seydou KONE | Farafinet.info

 

 



Tunis, Avenue Bourguiba. Au cœur des Journées théâtrales de Carthage 2025, le Forum international du théâtre réunit maîtres tunisiens, voix africaines et chercheurs autour d’une même question : que peut encore le théâtre, face aux désillusions politiques et aux nouveaux défis du continent ?



Ouverture : Tunis, carrefour du théâtre africain

Pour la première fois, les Journées théâtrales de Carthage (JTC) accueillent un
Forum international du théâtre dédié à « L’artiste de théâtre, son temps et son œuvre ».
Du 24 au 26 novembre 2025, l’Hôtel Africa, sur la mythique avenue Habib-Bourguiba, devient un véritable
laboratoire d’idées où se croisent dramaturges, metteurs en scène, universitaires et critiques venus
de Tunisie, du reste de l’Afrique et d’autres régions du monde.

Dans la salle, les casques de traduction se mêlent aux carnets de notes. Parmi les participants,
l’envoyé spécial de Farafinet.info, Koné Seydou, observe une question revenir comme un leitmotiv :
comment le théâtre africain peut-il à la fois témoigner des fractures de son temps, affirmer ses propres
modèles et peser dans la diplomatie culturelle internationale ?

Chapitre 1 — Fadhel Jaïbi : le maître tunisien face au désenchantement national

Figure centrale du théâtre tunisien contemporain, Fadhel Jaïbi ouvre le débat avec une lucidité tranchante.
Ancien directeur de la Cité du Théâtre de Tunis, membre de l’Académie tunisienne des sciences,
des lettres et des arts, il a signé près de trois décennies de créations qui ont accompagné
les soubresauts politiques et sociaux de son pays.

Ses pièces, souvent décrites comme des « cris », interrogent sans relâche les paradoxes,
les fractures et les aspirations de la société tunisienne.
Jaïbi rappelle qu’avec ses complices de scène, il a longtemps « changé ce qui pouvait l’être »
et « réformé ce qui devait l’être ». Pourtant, dans une formule amère, il confie aujourd’hui
avoir le sentiment que « la Tunisie est en train de tuer nos rêves ».

Le metteur en scène ne se contente pas de revisiter son parcours. Il questionne le cœur même
du geste théâtral : le théâtre peut-il réellement transformer notre « moi profond »,
notre inconscient, notre part d’ombre ? Pour lui, le théâtre peut éveiller la conscience,
ouvrir des brèches, provoquer une catharsis, mais il ne suffit pas à dompter « l’animalité intérieure ».
D’où son appel à une « participation réelle », politique et citoyenne, au-delà de la seule scène.



Chapitre 2 — Abdramane Kamaté : la voix du renouveau africain

Face à ce constat tunisien, une autre voix s’élève, venue d’Abidjan :
celle d’Abdramane Kamaté, Directeur général du
Marché des arts du spectacle d’Abidjan (MASA).
Spécialiste des politiques et programmes culturels, il travaille depuis plusieurs années
sur la structuration professionnelle des carrières artistiques en Afrique.

À Tunis, Kamaté consacre son intervention à « l’artiste de théâtre africain, son œuvre et son temps ».
Il rappelle que le MASA n’est pas seulement une vitrine de spectacles,
mais un instrument de politique culturelle qui organise les rencontres entre artistes,
programmateurs, institutions et marchés. En Côte d’Ivoire comme ailleurs,
il contribue à faire du théâtre un levier d’économie créative.

Pour illustrer le potentiel de modèles endogènes, il cite l’exemple du Rwanda,
invité d’honneur du MASA en 2024. Ce pays, longtemps associé à ses traumatismes,
est désormais montré comme un cas d’école en matière de stratégie culturelle.
« Il est important que les modèles africains soient promus, insiste-t-il.
Inspirons-nous du voisin qui fait mieux que nous, au lieu d’importer des solutions
qui ne fonctionnent pas dès qu’on essaie de les plaquer sur nos réalités. »

Chapitre 3 — MASA 2026 : Maroc, Brésil et géopolitique culturelle africaine

Le Forum est aussi l’occasion pour le patron du MASA de dévoiler des éléments stratégiques
de la prochaine édition prévue en avril 2026. Le Maroc y sera
pays invité d’honneur, tandis que le Brésil endossera le rôle
d’invité spécial. Sur la lagune Ébrié, Abidjan se prépare ainsi
à accueillir près de soixante-dix pays, dont quarante États africains et une trentaine
de pays d’autres continents.

Le choix du Maroc n’est pas anodin. Pour Kamaté, le royaume chérifien a su mettre en place
une politique culturelle structurée, avec des festivals et des institutions qui fonctionnent
sur le long terme. L’enjeu, explique-t-il, est de créer un espace de dialogue Sud–Sud :
si quarante pays africains peuvent échanger avec un partenaire dont le modèle opère
réellement, « on aura fait œuvre utile ».

Quant au Brésil, il incarne l’ouverture vers les Amériques et la diaspora afro-descendante.
Sa présence au MASA 2026 prolonge une géopolitique culturelle où le théâtre,
la musique et les arts du spectacle deviennent autant de passerelles politiques
que de scènes artistiques. L’Afrique se positionne alors non plus en périphérie,
mais comme centre de gravité de cette circulation.

Chapitre 4 — Le Forum et les JTC, plateformes d’idées et de circulation

À côté des interventions de Fadhel Jaïbi et d’Abdramane Kamaté,
le Forum donne aussi la parole à d’autres figures, comme l’actrice marocaine
Lefeta Ahrrare ou le modérateur Saïd Krimi. Ensemble, ils interrogent la place
de l’artiste dans des sociétés marquées par les crises démocratiques, les mutations
technologiques et les recompositions identitaires.

Les JTC 2025 confirment ainsi leur rôle de plateforme où se croisent
expériences nationales, trajectoires individuelles et stratégies régionales.
Dans la salle, les participants passent sans transition de l’arabe au français,
de l’anglais aux langues africaines. Les casques sur les oreilles,
Seydou KONE, notre envoyé spécial, témoigne de cette polyphonie qui fait
du théâtre non pas un simple divertissement, mais un espace d’archives vivantes
et de diplomatie parallèle.

Conclusion — Ce que Tunis dit du théâtre africain contemporain

Ce qui se joue à Tunis dépasse largement le cadre d’un colloque.
Entre le désenchantement lucide de Fadhel Jaïbi et l’optimisme stratégique
d’Abdramane Kamaté, le théâtre africain apparaît comme un champ de tension fécond :
il ausculte les failles des sociétés, assume ses propres contradictions et tente,
malgré tout, de peser sur le cours des choses.

Introspection, affirmation, diplomatie culturelle :
ces trois dimensions traversent aujourd’hui les scènes du continent.
En suivant de près le Forum international du théâtre et la préparation du MASA 2026,
Farafinet.info continuera de documenter cette histoire en mouvement,
où les artistes ne se contentent plus de jouer leur rôle :
ils participent à redéfinir le récit africain dans le monde.




Texte : Seydou KONE, envoyé spécial à Tunis & Boub’s SiDiBÉ, rédaction Farafinet.info.


Crédit photo illustration : © Seydou KONE | Farafinet.info.

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