Du 8 au 10 juillet 2025, le MASA Lab a organisé en présentiel un atelier sur le thème de la scénographie. Atelier animé par le scénographe théâtral, décorateur de cinéma, comédien, acteur et plasticien Papa KOUYATE, en provenance du Burkina Faso. De formateur, Papa KOUYATE se présente plutôt comme transmetteur de ce qu’il sait faire. Avec ses multiples casquettes, l’homme dit fonctionner « comme l’huile et l’eau » qui, même mélangés, se séparent un peu.

De ce fait, quand il fait du décor de cinéma, il reste focus sur le cinéma car « ce ne sont pas les mêmes réflexes, les mêmes exigences et atouts qu’il faut utiliser ». Au théâtre où « on ne fait pas joli, on fait juste », Papa Kouyaté est « plus à l’aise » car, pour cette discipline, « on prend le temps de décortiquer les personnages, la psychologie des personnages ».

Discipline clé dans la mise en scène et la valorisation des spectacles vivants, la scénographie est, selon Papa Kouyaté, le fait d’étudier non pas seulement l’espace, mais une cohérence de forme, une cohérence de couleur, une cohérence de volume et un équilibre.

Cependant, ne se qualifie pas scénographe qui veut. Il est impérieux d’avoir une formation en la matière parce que la scénographie et l’étude de la scénographie, relèvent des arts appliqués. Ainsi, le scénographe est formé à utiliser quasiment tous les métiers des beaux-arts (peinture, sculpture, le dessin, la photographie, l’architecture, etc.) et les utilise, en retour, pour faire une scénographie.

Cette qualité faisant sa force, le (bon) scénographe « qui peut être créatif, tout en respectant une intention de mise en scène », disposera d’une capacité à utiliser l’espace, les volumes, les couleurs, etc. En amont, ce qui le guidera, c’est la note d’intention de mise en scène qui est le cahier de charge. Une sorte de constitution. Ensuite, définira-t-il tous les corps de métiers qui rentreront dans le processus de création, selon la création elle-même. Toute une construction.

Par conséquent, en l’absence d’une conception scénographique (ce qui ouvre porte ouverte à de possibles erreurs et à des manquements), une création théâtrale ou scénique comme un concert live, sans une scénographie étudiée et rigoureuse, reste inévitablement une scénographie du fait qu’il y aura toujours un spectacle et un public qui le voit, a confié Papa Kouyaté.

De cette assertion, « on ne peut pas dire, souligne-t-il, qu’un spectacle sans une scénographie est mauvais. Parce que le créateur du spectacle, qu’il soit un metteur en scène, un réalisateur au cinéma, à partir du moment où il ne prend pas un scénographe, peut-être qu’il a lui-même évalué sa création pour ne pas en avoir besoin !». Ce qui pose la problématique de ne (malheureusement) faire usage des métiers mis au service d’un art comme la construction scénique.

Pendant la formation à Abidjan au sein de la Maison du Marché des arts du spectacle africain d’Abidjan (MASA), situé Rue Toussaint Louverture au plateau, après une clarification de ce qu’est la scénographie (premier jour) qui ne se résume pas en ce qui est sur scène ni le décor (une partie de la scénographie) de théâtre, Papa Kouyaté a également mis l’accent sur le jeu d’acteur et l’espace vide. Qui est, pour lui, le concept même de l’enseignement qu’il a dispensé. Illustration faite d’exemples vidéo, de croquis, d’images pour montrer, par exemple, comment un metteur en scène discute avec un scénographe ou comment les croquis et idées fonctionnent pendant la répétition.

Nonobstant, si la scénographie peut – de façon ramassée – se définir par le décor, autant il peut en avoir dans une mise en scène, autant le scénographe peut s’en priver. En cela, ce qui a concerné la formation qu’il a donnée, « c’est le sans-décor parce que nous sommes en Afrique : c’est un monde de l’imagination. Nous sommes du monde du conte, a souligné Papa KOUYATE. Nos grands-parents n’ont jamais fait un décor pour raconter des contes. On crée nos décors dans nos têtes ». Ainsi, pour une vitalité des spectacles africains traditionnellement vivant dans l’espace, dans la rue ou dans les cercles, Papa Kouyaté milite pour un retour aux valeurs africaines appliquées à la mise en scène.

De son approche d’une mise en scène africaine et dans la recherche d’une formule propre au contexte africain pour résorber certaines difficultés, Papa relève l’importance de revenir aux valeurs africaines.  « Il est important, admet-il, que la mise en scène africaine revienne aux valeurs africaines. Traditionnellement, chez nous, il n’y a aucun théâtre qui est payé. On doit inventer notre formule à nous (…) Il faudrait qu’on invente une économie du théâtre ».

Car, pour lui, le lieu de spectacle de l’Africain « n’a jamais été la salle », là où le système occidental (frontal) a amené le théâtre. « D’où notre problème. Voilà pourquoi nos spectacles ne sont pas rentables, notre cinéma et le théâtre sont morts. Il n’y a que l’humour qui, de temps en temps, arrive à remplir les salles », se désole-t-il. Par ailleurs, une solution qu’il apporte pour le renouveau du théâtre africain, c’est sa subvention.  « C’est de voir, préconise-t-il, que l’Etat embauche un théâtre national et qu’on puisse aller jouer pour le public ».

Ayant pris part à la formation sur la scénographie qu’il a d’ailleurs qualifié de « très importante », l’administrateur culturel GO Samuel se réjouit d’avoir appris « des choses qu’on voyait mais, qu’on ne savait pas ». Cependant, il fait le constat que le monde de la scénographie n’est pas connu de tous, dans le paysage culturel ivoirien.

En sa qualité d’administrateur et directeur artistique, ladite formation lui a ainsi permis de renforcer ses capacités. Autrement, de se « projeter et d’avoir un mot à dire dans les créations » qu’il supervise. Aussi encourage-t-il que le MASA à poursuivre le renforcement des compétences artistiques et techniques des acteurs de l’Industrie Créative et Culturelle en Côte d’Ivoire. Sa doléance : « aujourd’hui, ce sont les scénographes, nous souhaiterions que prochainement le programme vise les administrateurs culturels, les régisseurs afin qu’on puisse mieux vendre nos créations ».

Initié par le Marché des Arts du Spectacle Africain d’Abidjan (MASA), le MASA Lab est un incubateur et accélérateur du spectacle vivant en Côte d’Ivoire qui bénéficie du soutien financier de l’Ambassade de France en Côte d’Ivoire, du soutien technique de Fanaka&Co et du cabinet de Sciençage, ainsi que du soutien logistique du Goethe-Institut et de Yelam’s.

Koné SEYDOU