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Rosa Parks : 70 ans après, une leçon de résistance pour l’Afrique face aux extrémismes et à la recomposition du Sahel

🌍 En Afrique de l’Ouest, les transitions s’enchaînent, les peuples résistent et l’avenir s’écrit à la plume de la souveraineté. Farafinet.info donne la parole aux voix du terrain, celles qui vivent l’Afrique, la pensent, et la bâtissent, loin des plateaux d’illusion.
Rosa Parks assise près de la fenêtre dans un bus de Montgomery, aux côtés d’un passager blanc

Rosa Parks : 70 ans après, une leçon de résistance pour l’Afrique face aux extrémismes et à la recomposition du Sahel

Le 1er décembre 1955, dans un bus de Montgomery, en Alabama, aux États-Unis d’Amérique, une femme noire refuse de céder son siège à un passager blanc. Soixante-dix ans plus tard, le geste de Rosa Parks dépasse les frontières américaines : il interroge la manière dont les sociétés africaines, du Sahel au bloc AES, peuvent résister aux extrémismes, aux radicalismes religieux et aux recompositions politiques brutales, sans perdre leur dignité ni leur avenir.



Montgomery 1955 : quand une simple assise devient un séisme politique

Le 1er décembre 1955, Rosa Parks termine sa journée de travail dans un grand magasin de Montgomery. Le bus qu’elle emprunte est divisé : les sièges de devant sont réservés aux passagers blancs, ceux de l’arrière aux passagers noirs. Lorsque la zone « blanche » se remplit, le conducteur exige que quatre passagers noirs, assis juste derrière la limite, cèdent leurs places. Trois obtempèrent. Rosa Parks, elle, reste assise.

Ce refus, en apparence modeste, n’est pas un geste d’humeur. C’est un acte mûri, conscient, posé par une militante déjà engagée dans la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People). En acceptant d’être arrêtée, photographiée, inculpée, Rosa Parks transforme un bus municipal en théâtre mondial de la dignité humaine. Son numéro de détenue, 7053, est entré dans l’histoire comme un code silencieux de résistance.

Le boycott des bus de Montgomery qui s’ensuit, conduit notamment par un jeune pasteur baptiste de 26 ans, Martin Luther King Jr, ouvre une décennie de lutte non violente qui marquera la planète. Cette chronologie n’intéresse pas seulement les historiens américains : elle fournit un cadre d’analyse pour toutes les sociétés confrontées à la violence institutionnelle, à la discrimination ou à la segmentation identitaire.

De l’Alabama au Sahel : la dignité comme arme politique non violente

À première vue, il y a un monde entre les bus de Montgomery des années 1950 et les réalités contemporaines du Sahel, cerné par les attaques djihadistes, les coups d’État en chaîne, les recompositions militaires et les fractures sociales. Pourtant, la force du symbole Rosa Parks réside précisément dans sa capacité à traverser les contextes.

Ce que montre Montgomery, c’est qu’une société peut être enfermée dans un système présenté comme « normal », « naturel », parfois même « voulu par Dieu ». La ségrégation n’était pas seulement un ensemble de lois : c’était un imaginaire, une pédagogie de la soumission, un dressage social plaçant certains en bas de la hiérarchie, de façon permanente et de préférence silencieuse.

Dans de nombreux espaces africains, y compris au Sahel, d’autres logiques de domination tentent aujourd’hui d’occuper ce rôle : extrémismes religieux, tentations djihadistes, discours qui sacralisent la violence, récits identitaires exclusifs, ou encore pratiques politiques qui confondent sécurité légitime et mise au pas générale. Face à ces dynamiques, la question centrale reste la même : comment résister sans se dissoudre ?

Rosa Parks répond par le corps et par la posture. Elle ne prend pas les armes, elle ne harangue pas les foules, elle n’en appelle pas à la haine. Elle refuse simplement de se lever. Ce refus, parce qu’il est posé, calme, assumé, crée un précédent : il montre qu’il existe une manière de dire « non » qui ne reproduit pas la violence qu’on combat.



AES, Sahel et recomposition : quand la souveraineté se heurte aux extrémismes

Au cœur du Sahel, la création du bloc AES (Mali, Burkina Faso, Niger) se présente comme une tentative de reprendre la main sur la souveraineté, la sécurité et le destin collectif. Cette recomposition intervient après des années de présence militaire étrangère, de frustrations populaires, de crises politiques et de violences armées.

Mais toute quête de souveraineté se heurte à deux risques majeurs : d’un côté, l’ingérence extérieure qui refuse de perdre son influence ; de l’autre, la dérive interne qui confond légitimité nationale et mise au silence des voix critiques. Dans cet entre-deux, les extrémismes religieux et les mouvements djihadistes prospèrent, en exploitant les frustrations, les humiliations et les fractures sociales.

Rosa Parks rappelle que la souveraineté n’est pas seulement une affaire de frontières, d’alliances militaires ou de discours officiels. La souveraineté commence lorsqu’un citoyen, une citoyenne, refuse d’être réduit·e à une simple variable d’ajustement. Le geste du 1er décembre 1955 affirme cette idée fondamentale : aucune réforme politique n’a de sens si elle ne restaure pas d’abord la dignité du corps ordinaire.

Transposé au Sahel, ce principe implique que la lutte contre le terrorisme, la réorganisation des alliances ou la refonte des institutions n’auront de sens que si elles s’accompagnent d’une protection réelle des populations, d’un respect des libertés fondamentales et d’une reconnaissance de la pluralité des convictions religieuses et politiques.

Résistance non violente et bataille des imaginaires en Afrique

Une autre leçon centrale des droits civiques américains est la bataille des imaginaires. Le système ségrégationniste ne tenait pas seulement par la répression : il tenait par une histoire racontée, par une pédagogie de l’infériorité. Rosa Parks et le mouvement qui l’entoure renversent cette narration : l’Afro-Américain cesse d’être une « minorité tolérée » pour redevenir un sujet politique à part entière.

L’Afrique contemporaine affronte, elle aussi, une guerre des récits. Les discours djihadistes promettent une pureté impossible ; certaines rhétoriques politiques cherchent des boucs émissaires internes ou externes ; des campagnes de désinformation manipulent la colère légitime des populations. À l’inverse, les forces qui plaident pour l’éducation, la pluralité, la culture, l’économie réelle peinent souvent à occuper l’espace symbolique.

C’est ici que Rosa Parks redevient une figure stratégique pour l’Afrique. Elle montre qu’un récit alternatif peut naître d’un geste très simple, pour peu qu’il soit porté, documenté, relayé. Son refus dans un bus n’aurait été qu’un incident isolé sans le travail des associations, des pasteurs, des intellectuels, des avocats, des journalistes qui ont transformé un fait divers en dossier politique et en jurisprudence morale.

De la même manière, au Sahel, les actes de résistance non violente – éducateurs qui restent en poste malgré la peur, leaders religieux qui prêchent la cohabitation, artistes qui refusent la propagande, journalistes qui documentent sans inciter à la haine – méritent d’être vus, nommés, archivés. C’est en les rendant visibles qu’on bâtit une autre mémoire que celle de la peur.

Pour une souveraineté africaine fondée sur la dignité citoyenne

Soixante-dix ans après Montgomery, il serait tentant de reléguer Rosa Parks au rang d’icône figée, bonne pour les manuels scolaires et les citations sur les réseaux sociaux. Mais ce serait passer à côté de la portée stratégique de son geste. En réalité, elle pose une question radicalement contemporaine pour l’Afrique :

Quelle souveraineté voulons-nous construire si le citoyen, la citoyenne, ne peut ni s’asseoir en sécurité, ni se déplacer librement, ni penser sans peur ?

Une souveraineté durable n’est pas seulement militaire ou diplomatique ; elle est aussi morale et sociale. Elle suppose des institutions qui protègent plutôt qu’elles ne punissent, des choix économiques qui réduisent la vulnérabilité, des politiques éducatives qui immunisent contre les radicalismes, des espaces médiatiques qui informent au lieu de manipuler.

Rosa Parks ne donne pas de recettes, mais elle offre un repère : un système politique se juge à la manière dont il traite le dernier, la dernière, dans le bus de la République. Si celui ou celle qui est au fond du véhicule social peut se lever, se rasseoir, circuler, parler, croire ou ne pas croire sans être menacé, alors la souveraineté a un contenu. Sinon, elle reste un slogan.



En restant assise dans un bus de Montgomery, Rosa Parks a proposé au monde une définition exigeante de la dignité. À l’heure où le Sahel cherche sa voie entre menaces djihadistes, recomposition politique et quête de souveraineté, cette leçon demeure d’une actualité brûlante : sans citoyens debout dans leur conscience, aucune nation ne peut prétendre tenir debout dans l’histoire.

 

 


© Boub’s SiDiBÉ | Farafinet.info — Tous droits réservés

Boubakar Sidibé, plus connu sous le nom Boub’s SiDiBÉ, est photojournaliste, producteur de contenus et spécialiste des dynamiques sociopolitiques du Sahel. Il analyse les enjeux politiques, culturels, sécuritaires et géostratégiques en Afrique de l’Ouest.



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