Honoré par les Journées Théâtrales de Carthage (JTC) 2025, à Tunis, le Directeur général du Marché des Arts du Spectacle Africain d’Abidjan (MASA), Abdramane Kamaté, a livré des propos forts qui dépassent le simple remerciement protocolaire. Dans son intervention, il inscrit ce prix à la fois dans une dynamique de travail collectif en faveur de la création africaine, et dans la continuité des efforts du gouvernement ivoirien pour faire de la culture un levier majeur de rayonnement continental.

Un prix vécu comme la consécration d’un travail collectif

Dès les premiers mots, Abdramane Kamaté choisit de se présenter simplement : « Je suis Abou Kamaté, je suis extrêmement heureux et honoré de recevoir ce prix aujourd’hui ici à Carthage ». L’émotion est palpable, mais très vite, le directeur du MASA déplace le projecteur de sa personne vers l’équipe et l’institution qu’il représente. Pour lui, cette distinction n’est pas seulement la récompense d’un parcours individuel, mais « la reconnaissance d’un travail, certes personnel, mais aussi un travail collectif que fait le MASA pour promouvoir la création africaine, la création ivoirienne également ».

Depuis Abidjan, le MASA s’est imposé comme une plateforme structurante pour les arts vivants africains, en offrant une vitrine aux metteurs en scène, comédiens, danseurs, conteurs et musiciens issus de tout le continent. Être distingué à Carthage, haut lieu du théâtre arabe et africain, vient confirmer la place centrale du marché ivoirien dans la circulation des œuvres, des artistes et des idées.

La reconnaissance d’une diplomatie culturelle ivoirienne assumée

Dans ses propos, Abdramane Kamaté élargit aussitôt la portée de ce prix : « Je crois aussi que ce prix-là, c’est une reconnaissance pour le gouvernement ivoirien qui met des moyens exceptionnels pour recevoir tous les deux ans les meilleurs créateurs et les meilleures créations du continent africain ». Autrement dit, cette distinction ne consacre pas seulement un homme ou une institution, elle valide une stratégie : celle d’un État qui investit dans la culture comme levier de rayonnement diplomatique, économique et symbolique.

En accueillant régulièrement le MASA, Abidjan devient un carrefour où se croisent programmateurs, directeurs de festivals, décideurs publics et artistes. La Tunisie, en honorant le DG du MASA lors des JTC 2025, « vient reconnaître ce mérite » et envoyer un signal fort à toute la chaîne des acteurs ivoiriens de la culture, du ministère de tutelle aux équipes techniques en passant par les créateurs eux-mêmes.

Un hommage tunisien qui oblige à aller « plus loin, plus haut »

Pour le récipiendaire, ce prix n’a rien d’un aboutissement confortable. Il le décrit comme « un prix qui nous oblige ». Dans sa lecture, la reconnaissance tunisienne impose une exigence supplémentaire : « Quand on a cette reconnaissance, cela veut dire qu’on doit faire encore plus, encore mieux que ce que nous avons fait dans le passé ». Le ton est celui de la responsabilité : loin de clore un cycle, cette distinction ouvre une nouvelle étape dans l’histoire du MASA et de ses partenaires.

Les prochains rendez-vous du marché abidjanais devront ainsi consolider ce qui fait déjà sa force — la diversité des programmations, l’inscription dans l’économie créative, le maillage avec les grandes capitales culturelles — tout en explorant de nouveaux territoires : résidences croisées, tournées en dehors des capitales, accompagnement renforcé des jeunes compagnies, développement des coopérations Sud-Sud, et meilleure valorisation numérique des spectacles.

Quand un prix devient levier pour la création africaine

En filigrane, les propos d’Abdramane Kamaté disent aussi quelque chose de l’ambition de la scène africaine. Le MASA, les JTC et les nombreux festivals qui maillent le continent ne sont plus de simples vitrines ponctuelles : ils constituent des outils structurants d’une industrie culturelle africaine en construction. Chaque reconnaissance internationale, chaque prix attribué à un acteur clé, renforce la capacité du secteur à peser dans les politiques publiques comme dans les partenariats internationaux.

En rappelant que la Tunisie reconnaît le travail du MASA, le DG ivoirien souligne la convergence entre différents pôles culturels d’Afrique du Nord, de l’Ouest et du Centre. C’est toute une géographie de la création qui se dessine, où Carthage, Abidjan, Ouagadougou, Dakar, Johannesburg ou Bamako participent à une même conversation artistique, portée par le théâtre, la danse, la musique et les arts de la parole.

Un engagement dans la durée

La dernière phrase de son intervention sonne comme une promesse : « C’est à quoi nous allons nous atteler dans les mois et les années à venir ». Le prix remis à Carthage devient alors un point de départ pour une feuille de route renouvelée : continuer à repérer les talents, soutenir les écritures contemporaines, mieux connecter les artistes africains aux circuits internationaux, et défendre la place des cultures du continent dans les imaginaires mondiaux.

En donnant à entendre ces propos, Farafinet.info s’inscrit à son tour dans cette dynamique de circulation des paroles et des expériences. Car au-delà de la cérémonie et de la photo souvenir, ce sont les engagements formulés à chaud qui racontent le mieux le sens profond d’une distinction. À Carthage, Abdramane Kamaté a rappelé que l’honneur reçu n’appartient pas seulement à un individu, mais à une communauté créative, à un pays et, plus largement, à toute l’Afrique des arts vivants.