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Rastafari : Histoire sacrée, luttes modernes et héritage africain — de Bamako à Nairobi, le mouvement qui défie Babylon

🌍 En Afrique de l’Ouest, les transitions s’enchaînent, les peuples résistent et l’avenir s’écrit à la plume de la souveraineté. Farafinet.info donne la parole aux voix du terrain, celles qui vivent l’Afrique, la pensent, et la bâtissent, loin des plateaux d’illusion.



Rastafari : Aux racines d’un mouvement spirituel africain, du Mali à la Jamaïque

De la Jamaïque révolutionnaire des années 1930 à la colline de Lassa à Bamako, en passant par les tribunaux de Nairobi où des Rastafari kényans réclament le droit d’utiliser la « ganja sacrée » dans leurs rites, le mouvement Rastafari s’est imposé comme l’un des courants spirituels, culturels et politiques les plus singuliers du monde noir. Cet article propose une plongée documentée dans son histoire, sa théologie, la place du cannabis, et son enracinement en Afrique de l’Ouest.


 

I. Aux origines du Rastafari : Jamaïque, empire d’Éthiopie et diaspora noire

Le mouvement Rastafari naît dans la Jamaïque coloniale des années 1930, dans un contexte marqué par l’esclavage aboli tardivement, la ségrégation raciale, la pauvreté et l’humiliation d’une population majoritairement noire soumise à un ordre social héritier du système esclavagiste. C’est dans ce terreau de violence et de résistance que se développe une nouvelle vision du monde, portée par des prédicateurs populaires, inspirés par la Bible, le panafricanisme et la figure de l’empereur d’Éthiopie Haile Selassie I.

Le nom même du mouvement vient de Ras Tafari Makonnen, nom et titre de celui qui deviendra Haile Selassie I. En amharique, ras signifie « chef » ou « prince ». Lorsqu’il est couronné en 1930, certains leaders religieux jamaïcains voient en lui l’accomplissement de prophéties bibliques annonçant l’avènement d’un roi noir en Afrique, symbole de justice et de libération pour les descendants d’esclaves. Dans cette lecture, Haile Selassie devient une figure messianique, manifestation de Dieu – Jah – dans l’histoire.

Cette théologie politique s’articule aux idées du panafricanisme, notamment celles de Marcus Garvey, qui prêche l’orgueil noir, le retour symbolique ou réel en Afrique, et la fin des systèmes coloniaux. Dans les quartiers défavorisés de Kingston, la foi Rastafari se pose comme une révolte spirituelle contre « Babylon », mot utilisé pour désigner les systèmes d’oppression – colonialisme, racisme, capitalisme, prisons, police politique.

Au fil des décennies, le mouvement se diffuse dans la Caraïbe, en Amérique du Nord, en Europe, puis en Afrique, porté par la musique reggae et par des figures comme Bob Marley, Peter Tosh ou Burning Spear. Cette musique devient la bande-son d’un appel à la dignité, à la justice, au retour à l’Afrique et à la guérison d’une mémoire brisée par l’esclavage et la traite.

II. La ganja sacrée : place du cannabis dans la foi Rastafari

Au cœur des controverses autour du Rastafari se trouve la place du cannabis, souvent appelé ganja, herbe ou holy herb (« herbe sacrée »). Là où beaucoup de législations nationales le considèrent uniquement comme une drogue illicite, nombre de Rastafari le voient comme une plante sacrée, un don divin, et un sacrement au même titre que le vin dans certaines liturgies chrétiennes.

La ganja est traditionnellement utilisée dans des réunions communautaires appelées « groundings » ou « reasonings », au cours desquelles les fidèles méditent, prient, chantent, lisent la Bible, discutent de politique et de justice sociale. L’herbe sacrée est alors consommée – souvent partagée dans une pipe communautaire – pour favoriser la concentration, l’introspection, la parole inspirée, dans l’idée de se rapprocher de Jah, de clarifier la pensée et d’« ouvrir l’esprit ».

Pour beaucoup de Rastafari, cet usage n’est pas assimilable à un simple divertissement : il est encadré par des codes, s’inscrit dans une pratique spirituelle et a pour but de renforcer la communauté, l’écoute mutuelle et la conscience de soi. L’herbe devient également un symbole de résistance à Babylon, un refus de se plier à des lois jugées injustes ou héritées de logiques coloniales.

Il est toutefois essentiel de rappeler que tous les Rastafari ne consomment pas de cannabis, et que certains considèrent avoir atteint un niveau de conscience qui ne nécessite plus l’usage de la ganja. Dans la plupart des pays – y compris au Mali et dans de nombreux États africains – la loi continue de criminaliser le cannabis, et toute consommation expose à des risques juridiques et sanitaires réel·s.

Dans ce contexte, le débat soulevé par les Rastafari n’est pas seulement pour ou contre la drogue : il porte aussi sur le droit des minorités religieuses à pratiquer librement leur culte, lorsque celui-ci inclut une plante criminalisée par l’État.


 

III. Rastafari : religion, philosophie ou mode de vie ?

Le Rastafari défie les catégories classiques. Les chercheurs le décrivent tour à tour comme une religion, un nouveau mouvement religieux, une philosophie de vie, un mouvement social ou un courant culturel. De nombreux fidèles, eux, préfèrent parler de « livity » – une manière d’être au monde – plutôt que de religion au sens institutionnel.

Du point de vue de la science des religions, plusieurs critères plaident en faveur de la qualification de religion :

  • un ensemble de croyances partagées : Jah comme Dieu unique, rôle messianique ou prophétique de Haile Selassie, centralité de l’Afrique comme terre promise (Zion) ;
  • des rites et pratiques identifiables : reasonings, usage rituel de la ganja, chants, lectures bibliques, célébrations comme le 21 avril (anniversaire du couronnement) ou le 11 mai (mémoire de Bob Marley) ;
  • une communauté organisée, avec symboles distinctifs (dreadlocks, couleurs rouge-or-vert-or, drapeau au Lion de Juda), langage spécifique (« I and I », « Babylon », « Zion ») ;
  • une dimension transcendante : croyance en la présence de Jah, vision d’un projet divin pour les peuples opprimés.

Mais le mouvement refuse en grande partie les structures hiérarchiques rigides et les dogmes fixes. Il n’y a pas un « pape rasta » qui déciderait pour tous, ni un texte unique codifiant la doctrine. Cette fluidité est à la fois une force – elle permet au Rastafari de s’adapter à divers contextes – et une source de malentendus, certains le réduisant à un simple style vestimentaire ou musical.

Dans la pratique, Rastafari est donc à la fois foi, philosophie et identité sociale. D’où l’intérêt, pour les médias et les États, de le traiter avec nuance, en évitant la caricature qui le réduit à « fumer de la weed en écoutant du reggae ».

IV. Comment un mouvement devient religion : entre reconnaissance et stigmatisation

La question « quand devient-on une religion ? » n’est pas que théorique. Elle conditionne l’accès à des droits concrets : liberté de culte, possibilité d’enregistrer des lieux de prière, reconnaissance par l’État, protection contre la discrimination.

En général, un mouvement passe de « groupe spirituel » à « religion » lorsqu’il possède :

  • une histoire, des textes de référence, des récits fondateurs ;
  • des pratiques liturgiques ou rituelles régulières ;
  • une communauté d’adhérents qui s’identifient comme tels ;
  • et une certaine stabilité dans le temps.

Dans plusieurs pays, des tribunaux ont été amenés à se prononcer sur la nature du Rastafari. En Jamaïque, en Afrique du Sud, ou encore au Kenya, des décisions de justice ont reconnu que le Rastafari constituait bien une religion, au sens où il offre un système de croyance cohérent, identifiable, avec des rites spécifiques et une dimension transcendante.

Cette reconnaissance ne met pas fin à toutes les discriminations, mais elle change la donne : elle oblige les institutions publiques à respecter le droit des Rastafari à pratiquer leur foi – y compris lorsqu’elle implique certains éléments controversés, comme le port des dreadlocks à l’école ou l’usage rituel de la ganja.

V. De la Jamaïque au reste du monde : la lutte pour la légalisation de la ganja sacrée

La bataille pour la reconnaissance religieuse du Rastafari se confond souvent avec la bataille pour la réforme des lois sur le cannabis. Historiquement, la ganja a été criminalisée dans le cadre de politiques coloniales et internationales de lutte contre les drogues, sans considération pour ses usages culturels ou religieux dans certaines communautés.

En Jamaïque, berceau du mouvement, un tournant majeur intervient en 2015 : la possession de petites quantités de cannabis est dépénalisée pour les adultes, et la loi reconnaît explicitement l’usage sacramentel de la ganja par les Rastafari dans les lieux de culte enregistrés. C’est une avancée symbolique forte, même si le débat se poursuit sur les inégalités d’accès et les risques sanitaires.

En Afrique du Sud, la Cour constitutionnelle décide en 2018 qu’il est contraire à la Constitution de pénaliser l’usage et la culture de cannabis par un adulte dans un espace privé. La décision repose sur le droit à la vie privée, mais elle est aussitôt saluée par des Rastafari qui, depuis des décennies, dénonçaient la criminalisation de leur sacrement.

Dans d’autres pays, des exceptions limitées ont été accordées, ou des débats sont en cours. Partout, une tension persiste entre, d’un côté, la volonté des États de respecter leurs engagements internationaux en matière de lutte contre les drogues, et, de l’autre, la nécessité de garantir la liberté religieuse et de repenser des politiques pénales qui ont souvent frappé de plein fouet les populations les plus marginalisées.

VI. Kenya : à Nairobi, les Rastafari saisissent la justice pour le « bhang » sacré

C’est dans ce contexte global que s’inscrit la scène filmée au tribunal de Milimani, à Nairobi, le 18 novembre 2025. Sur les bancs de la salle d’audience, on voit des fidèles coiffés de turbans ou de bonnets rasta, venus soutenir une pétition portée par des membres de la communauté Rastafari kényane. Leur objectif : obtenir de la Haute Cour la reconnaissance de leur droit à utiliser le bhang – nom local du cannabis – à des fins religieuses, spirituelles et même médicinales.

Cette démarche judiciaire ne tombe pas du ciel. Dès 2019, la justice kényane avait déjà marqué un tournant en estimant que le Rastafari constituait une religion protégée par la Constitution. Une décision historique avait ainsi condamné l’exclusion d’une élève portant des dreadlocks au nom de sa foi, considérant que l’école avait violé la liberté de culte. À partir de là, il devenait presque inévitable que la question de la ganja sacrée finisse par arriver devant les juges.

La pétition déposée en 2025 demande à la Haute Cour :

  • de déclarer inconstitutionnelles les dispositions qui criminalisent l’usage religieux du bhang ;
  • de reconnaître le droit des Rastafari à utiliser le cannabis comme sacrement dans le cadre de leurs rites ;
  • d’ordonner à l’État de mettre en place un cadre de régulation compatible à la fois avec les conventions internationales et les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution kényane.

Les pétitionnaires soulignent que la criminalisation actuelle frappe particulièrement les jeunes des quartiers populaires, souvent arrêtés pour de très petites quantités, ce qui ruine leurs perspectives d’avenir. Ils plaident pour une approche plus nuancée, centrée sur la santé publique et le respect des minorités religieuses.

À l’heure où ces lignes sont écrites, la Haute Cour ne s’est pas encore prononcée sur le fond. Mais ce simple débat au sommet de l’appareil judiciaire kényan montre que la question de la ganja sacrée n’est plus un sujet marginal : elle est au cœur des discussions sur l’avenir des libertés en Afrique.

VII. Afrique de l’Ouest : Ghana, Sénégal, Côte d’Ivoire… un Rastafari africain

Si le mouvement Rastafari est né en Jamaïque, il a trouvé un écho particulier en Afrique de l’Ouest, à la fois anglophone et francophone. Dans plusieurs pays, il devient un langage de résistance, un espace spirituel pour la jeunesse, et un laboratoire d’expériences culturelles nouvelles.

Au Ghana, par exemple, des travaux de recherche montrent que des Ghanéens ont commencé à « trodder le chemin Rastafari » dès les années 1970, en s’inspirant des disques de reggae, des discours panafricanistes et des échanges avec des diasporas caribéennes. Pour beaucoup d’entre eux, devenir rasta, c’est affirmer une identité africaine forte, refuser les modèles occidentaux, et participer à un projet anti-colonial et panafricain.

Au Sénégal, la culture reggae et la symbolique rasta ont également trouvé un terrain d’expression, de Gorée à Dakar, au croisement de la mémoire de la traite, des luttes politiques locales et des quêtes spirituelles contemporaines.

En Côte d’Ivoire, la présence rasta est particulièrement visible. Des articles de presse reviennent sur l’histoire de communautés installées à Abidjan (Port-Bouët, Vridi, Yopougon, Grand-Bassam), qui mêlent spiritualité, actions sociales, éducation populaire et musique. Une Fédération Rastafari de Côte d’Ivoire (FERACI) est même mentionnée dans des affaires de violences policières, lorsqu’elle dénonce publiquement le rasage forcé des dreadlocks de certains fidèles, rappelant que ces cheveux ne sont pas un simple style, mais un symbole sacré.

À Yopougon, l’artiste Tiken Jah Fakoly a transformé sa résidence en une sorte « d’ambassade rastafari » : un espace culturel où se croisent studio, radio, bibliothèque et centre de ressources pour les jeunes curieux de comprendre l’histoire du reggae et la philosophie rasta. Là encore, on voit comment le mouvement se reconfigure en fonction des contextes locaux, tout en gardant son socle spirituel et panafricain.

VIII. Mali : Lassa, Ballasky et les pionniers d’un Rastafari bamakois

Au Mali, le Rastafari n’est pas seulement une image sur des pochettes de CD ou un motif sur des t-shirts. Il s’est incarné dans des lieux, des personnes, des histoires concrètes, souvent méconnues du grand public. L’un de ces lieux est la colline de Lassa, qui surplombe Bamako.

Selon plusieurs témoins, c’est au début des années 1990, après la chute du régime de Moussa Traoré et l’ouverture démocratique, qu’un tournant décisif se produit. La mère de Bob Marley, en visite au Mali, est reçue par le président Alpha Oumar Konaré. Lors de cet échange, elle s’étonne que les rastas ne disposent pas d’un espace à eux. La réponse politique sera symbolique : des terres sont attribuées sur la colline de Lassa, qui devient progressivement un haut lieu du Rastafari malien, un peu comme une « Sainte-Anne » jamaïcaine transposée à Bamako.

Sur cette colline, plusieurs figures marquantes vont laisser leur empreinte. Parmi elles, Moussa Doumbia, plus connu sous le nom de Ballasky, parfois appelé « Jahman Ballasky » ou « Ras Ballasky ». Artisan de génie, spécialisé dans le bogolan et la teinture traditionnelle à base d’écorces et de plantes, il développe une approche totalement naturelle et biologique de son art. Sa maison en pierre, construite sur la partie la plus haute de la colline, devient un lieu d’accueil, de méditation et de formation informelle.

Pendant des années, des jeunes, des artistes maliens et de la sous-région viennent séjourner chez lui pour vivre une immersion dans la philosophie Rastafari : musique, travail de la terre, artisanat, lectures sur Haile Selassie et les grands penseurs noirs, discussions sans fin sur la justice, la liberté, l’Afrique. Des noms aujourd’hui célèbres dans le reggae africain, comme Takana Zion ou Tiken Jah Fakoly, ont fréquenté cette maison, y trouvant une source d’inspiration et un espace de retrait.

Décédé en juin 2024, le jour de Arafat, Ballasky laisse derrière lui un héritage fait d’art, de spiritualité et de transmission. Des journalistes maliens, dont Boub’s SiDiBÉ, ont documenté sa disparition comme une perte majeure pour la communauté Rastafari du Mali, soulignant son rôle de sage, de médiateur et de pilier de l’unité rasta.

Autour de Lassa et au-delà, d’autres pionniers ont contribué à structurer le mouvement : des figures comme Ras Babina ou Charly Traoré ont participé à faire du Rastafari malien un espace vivant, enraciné dans la réalité locale et connecté aux luttes du continent.

Dès 1991, un Mouvement des Rasta du Mali (MOURASMA) voit le jour, avec l’ambition d’unir les fidèles, de défendre leurs droits, et d’organiser des événements culturels. Au fil du temps, pour des raisons à la fois politiques et financières, ce mouvement connaîtra des divisions. Vers 2010, un nouveau regroupement, le Collectif des Rasta du Mali (CORASMA), est lancé sous l’impulsion de Mohamed Youssouf Bathily, plus connu sous le nom de Ras Bath. Par la suite, celui-ci se consacrera davantage au Collectif pour la Défense de la République (CDR), qui organisera certaines des plus grandes célébrations du 11 mai – date anniversaire de la disparition de Bob Marley – à Bamako.

Ces trajectoires montrent que, loin d’être une simple copie d’un modèle jamaïcain, le Rastafari malien est un mouvement de chair et de sang, traversé par les dynamiques propres à la société malienne : transitions politiques, luttes sociales, débats sur la laïcité, aspirations de la jeunesse, influence des artistes et des médias.


 

IX. Enjeux africains : liberté de culte, santé publique et justice sociale

À travers ces histoires qui relient Kingston, Addis-Abeba, Bamako, Abidjan ou Nairobi, une question centrale se dégage : comment les sociétés africaines contemporaines gèrent-elles la diversité religieuse et culturelle ?

Le cas Rastafari oblige à articuler plusieurs enjeux :

  • Liberté de culte : reconnaître le Rastafari comme religion signifie lui accorder une protection juridique, y compris lorsqu’il défend des pratiques contestées comme l’usage rituel de la ganja. Cela ne veut pas dire tout autoriser sans cadre, mais implique d’ouvrir un dialogue plutôt que de répondre uniquement par la répression.
  • Santé publique : les autorités ont la responsabilité de prévenir les usages problématiques de substances, de protéger les plus vulnérables, en particulier les jeunes. Le défi est de sortir d’une logique exclusivement punitive pour développer des politiques d’information, de réduction des risques, de soutien psychologique, sans stigmatiser des communautés entières.
  • Justice sociale : dans beaucoup de pays, ce sont les quartiers populaires et les populations déjà marginalisées qui payent le prix fort des lois sur les drogues. Des Rastafari soulignent que la criminalisation systématique de petits consommateurs de cannabis a souvent davantage détruit de vies qu’elle n’en a sauvé.
  • Identité africaine : en Afrique de l’Ouest comme ailleurs, le Rastafari est aussi une manière de revendiquer une africanité assumée, de questionner l’héritage colonial dans les systèmes éducatifs, judiciaires, religieux, et de proposer d’autres manières de lire la Bible, l’histoire et le monde.

Dans ce cadre, le débat sur la ganja sacrée au Kenya, ou l’histoire de Lassa au Mali, ne sont pas des anecdotes exotiques : ce sont des cas concrets qui montrent comment les États, les citoyens et les communautés de foi négocient les frontières entre ordre public, droits fondamentaux et héritages spirituels.

X. Conclusion : un banc de tribunal comme miroir de l’histoire noire

Les Rastafari assis sur les bancs du tribunal de Milimani, le 18 novembre 2025, ne sont pas seulement des justiciables demandant le droit de fumer du bhang. Ils sont les héritiers d’une histoire qui part des plantations esclavagistes, traverse les luttes anti-coloniales, s’enracine dans les collines de Lassa à Bamako, dans les ghettos de Kingston, dans les quartiers populaires d’Abidjan, et jusque dans les institutions judiciaires de Nairobi.

Leur pétition interroge : jusqu’où une société est-elle prête à aller pour respecter la diversité spirituelle de ses citoyens ? Jusqu’où l’Afrique contemporaine est-elle disposée à regarder en face les mouvements qui, comme Rastafari, lui tendent un miroir critique ?

Entre ceux qui redoutent un laxisme supposé face aux drogues, et ceux qui y voient l’occasion de repenser des politiques pénales parfois inefficaces et injustes, le débat est loin d’être tranché. Mais une chose est sûre : ignorer le Rastafari, le réduire à une caricature ou à un simple folklore, serait passer à côté d’un pan important de l’histoire culturelle et spirituelle africaine contemporaine.

Au Mali, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Kenya et ailleurs, des femmes et des hommes continuent de se réclamer de Rastafari, de chanter, de prier, de tisser des tissus, de bâtir des maisons en pierre sur des collines poussiéreuses, de transmettre des paroles de liberté à la génération suivante. Leur voix mérite d’être entendue, documentée et discutée, loin des clichés et des raccourcis.

En cela, raconter le Rastafari aujourd’hui, c’est aussi participer à une tâche plus vaste : celle de raconter l’Afrique autrement, à hauteur d’hommes et de femmes, avec leurs convictions, leurs contradictions, leurs combats et leurs espérances.

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