Derrière l’apparente rigueur disciplinaire se cache une question fondamentale : ces décisions contribuent-elles réellement à renforcer la cohésion de l’armée et la stabilité de l’État ?

⚖️ L’autorité sans justice fragilise la Nation

L’armée, pilier de la souveraineté, ne peut rester forte que si elle repose sur la justice et la confiance.
Or, dans un contexte marqué par la méfiance et les suspicions, les sanctions sans procès public ni preuves accessibles nourrissent le doute plus qu’elles n’imposent le respect.
Tant que les faits ne sont pas débattus dans la transparence, la sanction se transforme en soupçon, et la discipline en instrument de contrôle politique.

Ces décisions, aussi spectaculaires qu’unilatérales, rappellent la tentation récurrente du pouvoir militaire : confondre la loyauté personnelle avec le devoir républicain.

🪖 Les démons du passé

L’histoire du Mali est jalonnée de purges internes présentées comme des mesures de sécurité nationale.
Dès la fin des années 1960, le Comité Militaire de Libération Nationale (CMLN), conduit par le lieutenant Moussa Traoré, avait déjà ouvert cette voie : radiation d’officiers, rétrogradation de compagnons de putsch, et marginalisation des voix dissidentes au nom de la « stabilité ».
Le décret du 27 décembre 1969 et celui du 22 mars 1978, dégradant plusieurs officiers de l’armée, de la gendarmerie et de la police, témoignent d’une époque où l’élimination administrative remplaçait le débat contradictoire.

Près d’un demi-siècle plus tard, le pays semble rejouer la même partition — avec les mêmes instruments, mais sous de nouveaux visages.

⚠️ Le risque d’une armée divisée

Une armée fragmentée par la peur ne peut garantir la sécurité de la Nation.
Lorsque les décisions disciplinaires deviennent des signaux politiques, la hiérarchie militaire se transforme en champ de méfiance, où chacun redoute la disgrâce plus que la défaite.
Dans une période où le Mali affronte simultanément le terrorisme, les tensions communautaires et la crise économique, la désunion des forces armées serait une faute stratégique majeure.

🔍 La loyauté ne remplace pas la compétence

En marginalisant des officiers expérimentés, souvent sans procès, le pouvoir militaire prend le risque d’affaiblir ses propres fondations.
Une armée républicaine ne se bâtit pas sur la docilité, mais sur la compétence, le mérite et la transparence.
Lorsque la loyauté supplante la justice, la discipline devient une arme de dissuasion interne et la méfiance s’installe jusque dans les rangs.

🕊️ Pour une réforme fondée sur le droit

Rompre avec ce cycle suppose un retour au principe fondamental de l’État de droit :

Toute accusation doit être prouvée, toute sanction doit être justifiée, et toute décision doit pouvoir être contestée.

Ce n’est pas la répression qui renforce une armée, mais la justice.
C’est dans la clarté du droit que se construit la force morale d’une institution militaire, capable d’obéir sans craindre, et de servir sans douter.

⚖️ Une leçon d’histoire à méditer

Les régimes qui ont voulu gouverner par la peur ont toujours fini par s’effondrer sous le poids de leur propre méfiance.
Le Mali, riche de son histoire et de ses sacrifices, ne peut plus se permettre de répéter les erreurs du passé.
Pour bâtir une armée républicaine, il faudra apprendre à écouter avant de condamner, à juger avant de sanctionner, et à unir plutôt qu’à exclure.

Le véritable courage politique, aujourd’hui, ne réside pas dans la radiation des officiers, mais dans la réhabilitation du droit.